Chassés de partout, toujours debout
Nous habitions le bâtiment situé au 94 rue des Sorins à Montreuil depuis 2008. Plus de 300 personnes : jeunes travailleurs, familles avec enfants, certains ont des papiers d'autres non. Le lieu était vaste, c'était une ancienne usine, nous l'avions occupée pour ne pas dormir dehors. Menacés d'expulsion depuis mai 2011, nous avons été expulsés le samedi 30 juillet, à 7 heures du matin, par une armada policière composée de 50 fourgons qui a occupé le quartier toute la journée.
Alors que nous avions vécu des années sans eau, une convention avait été passée récemment avec la ville, le fournisseur d'eau et nous, et immédiatement nous avions commencé à équiper le bâtiment de sanitaires, inexistants jusqu'alors. Ces travaux nous les avons payés de notre poche : 2500 euros pour l'achat du matériel sanitaire ; 5300 euros pour la construction des douches, des toilettes, pour l'approvisionnement d'eau dans tout le bâtiment et pour installer des sorties de secours. Plusieurs centaines d'euros pour l'achat d'extincteurs. Des mois auparavant nous avions déjà fait pour 3080 euros de travaux pour mettre l'électricité aux normes et des démarches étaient en cours avec EDF concernant l'arrivée électrique au compteur. À la veille de l'expulsion, le vendredi 29 juillet, nous avions lancé un appel aux responsables de la mairie pour venir voir les travaux que la mairie avait elle-même exigés de nous. Le lendemain, tôt le matin, nous avons été expulsés de notre logement.
Lors de l'expulsion, après nous avoir trié entre ceux ayant des papiers et ceux n'en ayant pas, la préfecture, par souci de nous diviser, a proposé des relogements de 15 jours à des familles, que certaines ne pouvaient qu'accepter. Une proposition à laquelle l'assemblée des habitants étaient majoritairement opposée, comme une offense à la forte solidarité qui existe entre nous. Le bras droit du préfet a même osé donner à choisir à l'un de nos délégués entre l'hôtel dans le silence ou le Mali avec fracas. Nous considérons que cette proposition n'était pas un moyen de répondre à cette situation, mais de la faire disparaître dans le mépris. La préfecture a d'ailleurs procédé à 80 interpellations. Aux dernières nouvelles, il semblerait que 12 habitants aient été placés en centre de rétention. Nous exigeons qu'ils soient libérés immédiatement.
Dans l'après-midi du samedi, les quelques soutiens des habitants de l'usine et des habitants des Sorins ont été pris dans une nasse policière qui a frappé sans raison, les personnes réunies, avec la volonté délibérée de procéder à des interpellations, sans accorder aucune considération au vice-consul du Mali, présent sur les lieux, qui tentait de négocier la libération immédiate du groupe piégé. Environ 80 personnes ont été ainsi emmenées au commissariat du 18ème, et relâchées relativement rapidement.
Nous, les habitants des Sorins, demandons depuis le début une table ronde avec la préfecture et la mairie, qui ne cessent de se renvoyer les responsabilités l'une à l'autre, mais qui sont fondamentalement d'accord pour nous faire disparaître, mais nous ne lâcherons rien, et exigeons toujours des relogements définitifs pour tous les habitants et la régularisation pour toutes et tous. Et vite !
Le collectif des habitants du 94 rue des Sorins