Malatesta : les anarchistes et les mouvements ouvriers. 1

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Classé dans : Lectures Mots clés : syndicats

Aujourd'hui, c'est le mouvement ouvrier (mouvement syndical) qui est la plus grande force de transformation sociale, et de son orientation dépendent en grande partie le cours que prendront les événements et le but auquel arrivera la prochaine révolution. Par le biais de leurs organisations fondées pour défendre leurs intérêts, les travailleurs acquièrent la conscience de l'oppression qui est la leur et de l'antagonisme qui les oppose à leurs patrons ; ils en viennent à aspirer à une vie supérieure, ils s'habituent à la lutte collective et à la solidarité, et ils peuvent arriver à conquérir les améliorations qui sont compatibles avec la persistance du régime capitaliste et étatique. Puis, quand le conflit devient irrémédiable, c'est la révolution ou la réaction.

Les anarchistes doivent reconnaître l'utilité et l'importance du mouvement syndical ; ils doivent favoriser son développement et en faire un des leviers de leur action en faisant tout leur possible pour que, en coopération avec les autres forces de progrès existantes, il débouche sur une révolution sociale menant à la suppression des classes, à la liberté totale, à l'égalité, à la paix et à la solidarité entre tous les êtres humains. Mais ce serait vraiment une illusion, et funeste, de croire, comme certains le font, que le mouvement ouvrier peut et doit mener à une révolution comme celle-ci par lui-même, en raison de sa nature même. Au contraire, s'il leur manque le ferment, l'impulsion, le travail concerté qu'apportent les hommes d'idées qui luttent et se sacrifient pour un avenir idéal, les mouvements fondés sur les intérêts matériels et immédiats tendent fatalement à s'adapter aux circonstances - et un vaste mouvement ouvrier ne peut pas être fondé sur d'autres bases. Ils fomentent chez ceux qui arrivent à obtenir de meilleures conditions l'esprit de conservation et la peur du changement. Ils finissent souvent par créer de nouvelles classes privilégiées et ils servent à faire supporter et à consolider le système que l'on voudrait abattre.

D'où la nécessité impérieuse d'organisations purement anarchistes qui, dans les syndicats et hors des syndicats, luttent pour réaliser intégralement l'anarchisme et qui cherchent à stériliser tous les germes de dégénérescence et de réaction. Mais il est évident que, pour atteindre leurs buts, les organisations anarchistes doivent être en harmonie avec les principes de l'anarchisme, en elles-mêmes et dans leur manière de fonctionner : il faut qu'elles ne soient en aucune manière corrompues par l'esprit d'autorité, qu'elles sachent concilier la libre action des individus et la nécessité et le plaisir de la coopération ; qu'elles servent à développer la conscience et la capacité d'initiative de leurs membres ; qu'elles offrent à qui y travaille un milieu qui soit un moyen d'éducation et une préparation morale et matérielle à l'avenir que nous désirons.

Il Risveglio, 1-15 octobre 1927

Errico Malatesta. Écrits choisis

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