Quarante ans, c’est déjà trop !

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Quarante ans c’est déjà trop ! pouvait-on lire sur les banderoles de la manifestation de Force ouvrière (FO), le mardi 14 juin à Paris. Maintenant, ce sera quarante-deux ans à partir de 2018, quarante-trois ou quarante-quatre ans quand il le faudra. Sarkozy, en bon pater familias de l’entreprise France, l’avait dit : La réforme des retraites aura lieu. Le Medef, lui, rêve déjà tout haut d’un départ à 65 ans. Les rêves du Medef. Nos cauchemars de demain !

Sensibles ou pas à l’argumentation gouvernementale et patronale, bien des gens ressentent dans leur chair que quarante-deux ans, c’est pas possible, que quarante ans c’est déjà trop. Sous le vocable les gens, on met bien du monde. Il y a pourtant une classe qui va payer au prix fort la réforme des retraites : la classe ouvrière. Mais aussi les employés. Ces deux catégories que l’on nomme les salariés d’exécution, c’est-à-dire 15 millions d’hommes et de femmes, vont être sacrifiés un peu plus sur l’autel du profit.

Le gouvernement nous ressasse que la durée de vie s’allongeant, l’âge du départ à la retraite doit reculer. Il est une inégalité dont il faut parler : celle devant l’espérance de vie. Un cadre a une espérance de vie supérieure de six ans à celle d’un ouvrier. Que l’on soit ouvrier à Ivry ou cadre à Neuilly, on peut voir du même mauvais oeil la durée du travail s’allonger. Mais un océan sépare ces deux conditions de vie.

Ceux et celles qui souffrent et sacrifient leur vie au profit partent tôt, beaucoup trop tôt. Combien d’entre nous ont vu leurs parents mourir avant la retraite ou en profiter si peu. Combien de nos pères ou de nos mères l’ont attendue parfois en vain, cette retraite, et ces quelques années libérées du travail. Encore fallait-il y arriver en bon état, c’est-à-dire sans incapacités. Et c’est là qu’apparaît une autre inégalité : les chiffres, les statistiques, là encore, sont cruels : les ouvriers ont beaucoup plus de chances de voir leur retraite compromise par plus d’année d’incapacités au sein d’une vie déjà plus courte.

Un ouvrier retraité, que je rencontrai dans un jardin – justement – ouvrier d’Ivry, me racontait qu’il aimerait bien en profiter encore longtemps, de son plaisir de jardiner. Mais voilà, il avait été contaminé par l’amiante. Il racontait sa vie, ses combats de militant syndical, tout en ponctuant son récit de les salauds, les salauds... à l’intention de ses patrons. Il le savait, ses jours étaient comptés, la maladie aurait le dernier mot.

Quand je traverse le nouveau cimetière d’Ivry, je ne peux m’empêcher de penser que reposent ici des générations d’ouvriers, comme mes parents, sacrifiés au travail, qui furent attachés à cet espoir d’une retraite heureuse où tout simplement ils pourraient voir grandir leurs enfants et leurs petits-enfants. À l’image de visagistes ou de vigiles à l’entrée d’une boîte de nuit, la cruelle réalité leur répond, aujourd’hui avec le visage d’un Sarkozy : Je crois que ça va pas être possible.

La plus grande des injustices consisterait à oublier le sort des travailleurs sans papiers, ces esclaves des temps modernes et de nos démocraties, qui travaillent dans d’incroyables conditions d’exploitation et cotisent pour une retraite dont ils ne bénéficieront pas.

Ils sont nombreux, qui ressentent une rage qui dit quarante ans c’est déjà trop. Cette rage contenue doit se libérer. Un avis de tempête sociale est annoncé pour septembre. La rentrée sera chaude ! On connaît la chanson des directions syndicales... C’est pourquoi les anarchistes doivent être de ce combat. Un combat vital, car il exprime le droit de vivre en opposition à la logique mortifère de ce système. Soyons là pour crier notre haine d’un patronat et d’une bourgeoisie toujours plus avide de profit, mais aussi pour amplifier le désir et l’exigence de vie et d’égalité. Et dire aussi que défendre cet acquis est un vital réflexe d’autodéfense, rien de plus, que quarante ans au boulot ne constituent pas un idéal, ni un âge d’or. Pour la classe ouvrière il n’y a jamais eu d’âge d’or, seulement parfois un peu de répit et des droits arrachés parfois au prix du sang.

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