Préface à "Prise de possession" de Louise Michel

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Il reste au coeur de la jeunesse, et la jeunesse n'est pas une question d'âge, des héros comme Nestor Makhno, Buenaventura Durruti, Louise Michel... On pourrait y voir un dangereux culte de la personnalité. Ne doit-on pas y voir plutôt la culture des valeurs qu'incarnent ces héros populaires et libertaires : l'intégrité, la révolte, le courage, cette passion, cet amour de l'humanité ?

L'époque nous apprend la modération, la négation de nos sentiments. Il faut savoir être raisonnable ! Ainsi, certains lecteurs trouveront ce texte intéressant, d'autres le trouveront vraiment d'un autre temps, ou encore s'amuseront d'un style qu'ils jugeront désuet. Il y aura même quelques politiciens et bureaucrates de gauche pour trouver Louise Michel ex-tra-or-di-nai-re... Et pour ranger Prise de possession dans la bibliothèque, à l'endroit où l'on remise la mémoire sociale et révolutionnaire. Croyant peut-être ainsi obtenir l'absolution de leur collaboration quotidienne à un système que Louise Michel combattait avec acharnement il y a déjà un siècle.

La lecture de Prise de possession sera d'une jouissive évidence pour certains. Un plaisir inavouable pour d'autres, qui, le temps de la lecture auront ressenti en eux quelque chose d'excitant, mais réprimeront ce plaisir en se disant qu'à l'heure de l'Europe, des 35 heures, du syndicalisme de proposition, de la Gauche plurielle, d'Internet et du portable, ce n'est pas sérieux... La preuve, somme toute, que la vie est là, encore, partout et malgré tout.

Du temps où les choses étaient claires, les gens de pouvoir envoyaient la troupe pour combattre la subversion et l'agitation ouvrières. La répression et l'inhumanité avaient le visage du patron, du curé et du militaire. L'ennemi était désigné, nettement identifié. Et le prolétariat n'ignorait pas qu'il l'était.

Aujourd'hui, le mot est synonyme de ringardise, mais le mouvement de novembre-décembre 95 (par exemple), a vu, ici et là, réémerger une identification au prolétariat. Pourtant, la perte de la capacité à se nommer, à ressentir sa douleur, à dire le monde tel qu'il est, sont des maux de notre temps. Aujourd'hui, le discours politicien est à l'image des emballages de produits alimentaires, qui habillent l'absence de saveur d'un aliment trafiqué. D'ailleurs, plutôt qu'emballage on dit très justement conditionnement. Il en est ainsi des discours politiciens comme des publicités pour pizzas congelées : conditionner les gens à avaler n'importe quoi...

Louise Michel parle de prise de possession. Un terme qui ne peut être dévoyé comme celui d'autogestion, qui fut accommodé à toutes les sauces réformistes et étatistes. Elle le préfère à celui d'expropriation, cher à beaucoup de ses compagnons anarchistes :Prise de possession est plus exact qu’expropriation, puisque expropriation impliquerait une exclusion des uns et des autres, ce qui ne peut exister, le monde entier est à tous, chacun prendra alors ce qu'il lui faut. Louise Michel évoque ce monde à venir et cette vie qui sommeille en nous, ne demandant qu’à s’éveiller à nouveau.

Prise de possession... Alors comme l’exilé de retour chez lui, nous connaîtrons le bonheur et la satisfaction d’être enfin arrivés... Chez nous.

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