Soirée vidéo / discussion : « Élections : abstention révolutionnaire ! »

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Classé dans : Rencontres Mots clés : élections
Abstention révolutionnaire ! « Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais, du moins, ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera et pour le bourgeois qui les mangera. » Projection d’un extrait des Simpson « Horror Show ». Discussion autour du livre « La grève des électeurs », un article cinglant sur le rôle abrutissant des élections, écrit en 1888 et qui trouve encore toute sa place aujourd’hui. Vendredi 22 mai à 19 heures 30. Entrée libre. Publico, 145 rue Amelot, 75011 Paris, métro République, Oberkampf ou Filles du Calvaire. http://librairie-publico.info/ 14h-19h30 (mar-ven) / 10h-19h30 (sam)

Le vote, un petit geste pour le citoyen, un grand pas pour le politicien.

Au lendemain des élections, rien n’a changé. Les exploités sont toujours exploités, et les riches restent les riches.

Il est absurde de dire que la République appartient à tous. La République est la propriété des classes aisées, et elle a été instituée pour cela. La République est cette puissance aliénante au nom de laquelle le flic plein de morgue nous demande nos papiers, le magistrat nous juge et nous condamne parce que nous avons refusé de baisser la tête, et le maton referme la porte sur nos espoirs.

L’école républicaine n’est qu’un exemple parlant de ce qu’est l’idéologie de la République dans son ensemble : un cache-misère illusoire de la réalité de l’exploitation de classe.

Il y a des « citoyens que la police harcèle quotidiennement, et d’autres à qui elle dit monsieur. Il y a des justiciables qui sont présumés innocents et d’autres qui sont jugés à la chaîne par la justice de masse. C’est ce genre de choses oubliées à force d’être évidentes qui constituent les faits irréductibles qui infirment toutes les pétitions démocratiques. »

La démocratie, en tant que régime particulier de l’État, n’est rien d’autre qu’une des modalités possibles de la mise en forme de la domination capitaliste. C’est pourquoi il n’y a rien de plus faux que de présenter l’État comme un acteur « neutre et qui pourrait servir d’arbitre dans les conflits sociaux, voire de croire qu’il pourrait y avoir un secteur étatique, un service public qui ne serait pas soumis à la pure logique marchande. »

Un monde libéré des contraintes de l’argent et de l’État, un monde sans exploitation et sans domination ne serait en rien une démocratie. Le mode d’organisation de la communauté, le rapport entre le collectif et l’individu sont encore à créer : ils ne peuvent être déterminés à l’avance. Seules des hypothèses qui partent de ce qui se vit actuellement dans les moments propices à la profusion d’actes libérateurs, c’est-à-dire dans les révoltes, les émeutes et les mouvements sociaux radicaux, peut permettre de se faire une idée vague du chemin à parcourir.

Votez dur, votez mou, mais votez dans le trou.

Si on se méfie des syndicats, on n’a pas la même prévention à l’égard de la démocratie, ou plutôt de la caricature de la démocratie qui s’installe alors : et c’est là, sur le terrain instable de l’idéologie, qu’en cédant à l’idée séduisante de la démocratie directe, on se condamne d’avance à l’incapacité d’agir.

L’exemple le plus navrant en a été donné par le mouvement contre le contrat première embauche du printemps 2006. Les assemblées générales qui se sont réunies dans les différentes universités se sont mises à voter sur tout et n’importe quoi : pour ou contre le CPE, pour ou contre le blocage des universités, etc. Ce faisant, des étudiants opposés au mouvement trouvaient place dans l’assemblée et pouvaient non seulement s’y exprimer mais encore voter contre les propositions qui y étaient faites ; tandis que quelqu’un qui n’était pas étudiant mais qui pouvait être aussi concerné par le CPE ou le CNE que n’importe quel jeune inscrit à l’université se retrouvait exclu du même débat. Parfois même, sous la pression de la direction de l’université, des consultations à bulletin secret étaient organisées pour savoir si la fac serait bloquée ou rouverte ; et ainsi, un acte illégal se trouvait-il paradoxalement rattrapé par la logique procédurière de la démocratie. À quand des débats et des votes avant de balancer des pierres sur les flics ?

Le résultat, c’est que ces procédures électorales absurdes bloquaient les initiatives et la dynamique du mouvement plus sûrement encore que la grève ne bloquait les cours dans la fac. Tout devait être voté et revoté ad nauseam. Les formes mêmes de la discussion, du bureau de l’assemblée aux tours de parole imposés, permettaient toutes les manipulations. Quoi de plus simple, pour un militant chevronné, que de se faire élire président de séance et de laisser un de ses petits camarades clore la discussion en l’inscrivant en dernier sur la liste du tour de parole ? Chacun sait que la dernière voix à parler a plus de poids que les autres. Le tour de parole n’est pas absurde en soi. C’est le fait de le transformer en une règle dont le respect formel prend le pas sur la raison d’être qui le transforme en un dispositif stérilisateur. Au bout du compte, afin de le rendre démocratique, le débat était purement et simplement confisqué.

Par la vertu des procédures démocratiques, le mouvement perdait de sa puissance rebelle et se retrouvait pieds et poings liés entre les mains de ses détracteurs ; ainsi le vote jouait-il pleinement son rôle, celui d’être l’organisation sociale de la passivité.

Ce qui donne sa raison d’être à un mouvement, ce n’est pas la légitimité tirée d’une pseudo-élection qui singe les procédures républicaines. Le blocage n’était pas valide parce que cela a été voté ; et pourtant, c’était là souvent le seul pauvre argument que les bloqueurs trouvaient à opposer aux antibloqueurs. La puissance d’un mouvement tient justement à sa capacité à remettre en cause les cadres étroits de la domination ordinaire. Il n’y a aucune permission à demander à qui que ce soit avant de s’opposer en actes aux décrets du pouvoir qui nous oppresse. La sédition n’a pas besoin de se justifier. Elle est à elle-même sa propre justification.

À la différence du vote, qui est un acte passif par lequel on approuve ou on réprouve ce qui est et demeure de l’ordre du discours, la révolte se nourrit d’engagements réels. Si des centaines ou des milliers de personnes veulent bloquer une fac, il leur suffit de s’organiser pour le faire. Si elles ne sont que dix, leur petit nombre les empêchera tout simplement d’agir, sans qu’il y ait besoin d’organiser quelque consultation que ce soit pour le constater.

Ceux qui veulent défendre leur droit à étudier ou leur droit à travailler n’ont à opposer au désir de révolte que leur seule soumission au système. Ce n’est pas là un argument dont on pourrait discuter démocratiquement dans un salon, c’est une des formes de défense de ce monde et de son système de domination au même titre que les magouilles des syndicats ou les matraques des flics.

Mort à la démocratie (Léon de Mattis, L’Altiplano, 2007)

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