L’été à Montreuil : on expulse !
Vive les vacances ! Fin juillet, les braves gens sur la plage, les orteils sont en éventail et les Roms sont expulsés. C’est la routine de l’été, ce temps béni pour les coups bas : l’école est close, les instits en congés, restent dans la ville désertée quelques citoyens qui passent devant les Roms expulsés. À Montreuil, en Seine-Saint-Denis, onze familles soudain mises à la rue : il n’y a pas de maire de gauche pour les Roms expulsés. Il y a les grues et les pelleteuses qui cassent les habitations, il y a quatorze fourgons de C.R.S., il y a la violence de l’État, il y a les intérêts privés. Trente minutes pour récupérer quelques affaires, un matelas qu’on roule et emporte avec soi mais nulle part où aller : il n’y a pas de relogement pour les Roms expulsés.
Des hommes, des femmes et des enfants : il paraît qu’ils ont un prénom et un nom, un âge et une histoire, un passé, un présent, un avenir : il paraît qu’ils sont nés et demeurent libres et égaux en droit selon une déclaration universelle célèbre. Mais les Roms sont expulsés : expulsés aujourd’hui de leur maison, expulsés demain du pays ? Exclus toujours de la commune Humanité.
Imagine, si tu l’oses : un matin quatorze fourgons de C.R.S. et une grue débarquent chez toi sans prévenir. Chez toi c’est là où tu vis avec ta famille depuis des mois et des années, là où tu as installé tes affaires, les objets utiles et ceux auxquels tu tiens. Il y a l’école juste à côté, les enfants y font leur scolarité, les enfants ont des copains. Ils débarquent chez toi et ils détruisent ta baraque, ne te laissent pas le temps de faire tes bagages et tu te retrouves à la rue sans savoir où tu vas dormir ce soir et les jours d’après. Ils détruisent ta vie à coups de pelleteuse et de papiers officiels, et tu ne sais pas ni où ni comment tu vas la reconstruire. Imagine la vie des Roms sans cesse expulsés.
Les enfants sont traumatisés, les parents sont désespérés, qu’importe ! La Boissière est évacuée. L’été le maire de Montreuil fait le vide. La ville vide d’humanité, la ville vide de solidarité. Liberté, Egalité, Fraternité : c’est encore par ces trois mots je crois que l’on apprend aux écoliers de France les si belles valeurs de la République.