« Thierry nous a quittés cette nuit »
Hommage à Thierry de Lavau, anarchiste, animateur sur Radio libertaire (1982 – 2021), créateur du label V.I.S.A, organisateur d’expos, concerts…
Par Laurent, groupe libertaire d’Ivry, animateur de Lundi matin sur Radio libertaire
Vendredi matin, ce 26 janvier, j’ouvre un texto, ma gorge se noue à la lecture : « Thierry nous a quittés cette nuit. » Thierry se battait contre la maladie mais les dernières nouvelles étant encourageantes nous voulions croire qu’il allait s’en sortir.
J’ai rencontré Thierry de Lavau dans l’effervescence de l’arrivée de Radio libertaire sur les ondes au début des années 80. Comme lui, j’étais membre de la Fédération anarchiste. Thierry se revendiquait du courant anarchiste individualiste. Cette effervescence, c’était aussi celle du rock punk qui fédéra une partie de la jeunesse autour de nombreux groupes, fanzines, squatts, avec les Béruriers noirs comme figure de proue.
C’est d’ailleurs Thierry qui organisa le premier concert des Béruriers noirs en octobre 1983 à L’usine Pali‐Kao à Paris. Son label, V.I.S.A, produisit alors la première cassette des Bérus. Pour les auditeurs et auditrices de Radio libertaire, Thierry ce fut depuis 1982 et ce jusqu’en 2021 le mercredi à 22 heures 30 Trisomie 21, puis La théorie du tomahawk et enfin Traffic, qu’il coanimait avec Agnès, sa complice radiophonique. À ses débuts, Radio libertaire diffusait exclusivement de la chanson française. L’arrivée de Thierry avec Trisomie 21 fut le début de l’ouverture de la radio à d’autres expressions musicales et culturelles.
Thierry était alors coursier et le midi à la pause repas il venait me retrouver dans un petit resto ou nous causions anarchie et musique. Thierry était un explorateur, il découvrait des sons, des musiques, des cultures puis il les partageait sur Radio libertaire. J’appréciais sa nature curieuse, son enthousiasme étrangement mêlé de pessimisme (« Je suis un péssimiste combattif »), son exigence éthique et cette chaleur qui émanait de lui. Thierry avait toujours mille projets. On lui doit entre autre le label V.I.S.A (Clair Obscur, Achgha Ney Wodey, Kni Crik, Dazibao, etc.), la quadruple compilation Un peu, beaucoup, passionnement, à la folie, le disque pour les 35 ans de Radio libertaire… Et c’est depuis son lit d’hôpital qu’il nous invita à un nouveau projet ! Voir ci‐dessous.
Bonjour à tou(te)s,
C’est une expérience dont je me serais bien dispensé mais on m’a juste précisé, qu’au final, je n’avais guère le choix. Sans rentrer dans les détails, à partir du 21 novembre pour une durée de 6 semaines à 2 mois (?) je vais vivre tel un enfant‐bulle dans une chambre d’hôpital, aseptisée, contrôlée, dans un service protégé en atmosphère neutre.
Encore, si cette épreuve me permettait de replonger illico en enfance, je ne dis pas, mais de ça il n’en est pas question.
Alors, si cette perspective est guère enthousiasmante, autant jouer pour en modifier un tant soit peu les règles. J’ai donc imaginé de profiter de cette « réclusion forcée » pour aménager mon environnement contraint en galerie éphémère. Déjà, cela me divertira de tous ces appareils déprimants occupant 24h/24 mon champ de vision, mais cela sera aussi, et surtout, une parenthèse agréable, pour les intervenant(e)s médicaux qui se succéderont auprès de moi tout au long de ces heures, de ces jours, de ces semaines…
J’ai toujours trouvé agréable d’entrer dans un espace où le regard était interpellé par des curiosités inédites, pour peu qu’elles m’invitent au voyage, qu’elles m’incitent au rêve ou à la réflexion.
Alors autant transformer une des chambres du secteur Trèfle 3 — j’imagine que ce nom est censé porter bonheur — en galerie digne de la rue de Seine à Saint Germain des Prés.
L’idée est donc d’exposer au fur et à mesure de leur arrivée, sur les murs de mon espace d’à peine 9m², les contributions que les un(e)s et les autres m’aurez adressées.
La contrainte, parce que malheureusement il y en a UNE, se résume à la taille (voire au volume). Si vous souhaitez participer à cette exposition — dont le thème est libre comme votre imagination — vous pouvez m’envoyer sous enveloppes (à l’adresse indiquée plus bas) : cartes, collages, pliages, origamis, peintures, photos, dessins, écrits, etc … au format carte postale (environ 10×15 cm).
Afin d’éviter l’entrée de germes, de champignons, de poussières dans un secteur protégé, l’hôpital demande que tout ce qui est affiché dans la chambre soit filmé sous une pellicule plastique. Le service se chargera lui‐même de cette opération avec le plus grand soin.
Si la taille et/ou le volume ne permettait pas de l’intégrer à l’exposition, une photo de l’objet sera faite afin qu’il puisse malgré tout figurer avec les autres.
À la fin je ferai une restitution de l’événement.
Voilà, j’espère que cette initiative saura vous enthousiasmer autant qu’elle m’excite.
Bien @micalement
Thierry