Deux grands courants préparèrent et firent la Révolution. L’un, le courant d’idées, le flot d’idées nouvelles sur la réorganisation politique des États, venait de la bourgeoisie. L’autre, celui de l’action, venait des masses populaires, des paysans et des prolétaires des villes, qui voulaient obtenir des améliorations immédiates et tangibles à leurs conditions économiques. Et lorsque ces deux courants se rencontrèrent, dans un but d’abord commun, lorsqu’ils se prêtèrent pendant quelque temps un appui mutuel, alors ce fut la Révolution.
Lire la suite de Kropotkine : La grande révolution (1789-1793) – 1. Les deux grands courants de la Révolution
Depuis le temps que vous vouliez qu'on se parle et qu'on se taisait, cette fois on va parler. On sait bien que pour la plupart d'entre vous, vous voulez simplement nous aider. Chacun à votre manière, vous avez tout essayé. Vous avez été sévère, laxiste, patient, impatient, prévenant ou lointain ; vous avez réfléchi, discuté entre vous, avec nous, avec l'administration.
Vous nous avez dit tellement de choses, nous on disait rien ou si peu, on se taisait, on souriait. Vous nous disiez : chez moi ça rigole pas on travaille, ou bien ici on rigole mais on bosse, ou bien si vous ne faites rien ne dérangez pas vos camarades qui eux... ou bien faites un effort ! ou bien Monsieur Untel vous croyez qu'au travail vous pourrez arriver en retard ? ou bien ah c'est toi va t'asseoir, ou bien répondez ? personne ne sait ? ou bien en dix ans de carrière je n'ai jamais vu ça ! ou bien si vous avez un problème passez me voir à la fin du cours, ou bien allez-y posez des questions ! et aussi j'ai une fille de votre âge, on se tait quand je parle, Messieurs, prenez une feuille, répétez ce que je viens de dire, allez me chercher un billet, je vous préviens avec moi ça ne sera pas comme avec Monsieur Machin.
Et bien si ! C'est pareil, vous avez tout essayé ça n'a rien changé. Vous nous avez soutenus au conseil, vous avez vu nos parents, vous vous êtes dit : et si c'était mon fils
, vous avez travaillé, recommencé, préparé des cours, des visites, des stages, des exposés, des sorties, on a bu des cafés ensemble, vous avez fait grève, vous avez gueulé, pleuré peut-être, ça n'a rien changé.
Années après années, nous étions avalés par le laminoir social, les élèves que vous avez sauvés, vous les portez comme des décorations, elles sont méritées, quel boulot pour chacun d'eux ! Mais c'est pas possible pour tout le monde !
Le problème c'était pas nous, c'était pas vous, c'est tout le reste !
Lire la suite de Professeurs, vous nous faites vieillir ! (Les lascars du LEP électronique)
Tout ce qui est critiquable doit être critiqué
NOUS CRITIQUONS !
ETUDIANTS, hier nous étions dans la rue avec vous mais autant vous le dire tout de suite, la réforme 2 Paquets
on s’en fout ! Pour nous la sélection a déjà joué. L’Université nous est fermée, et nos CAP, nos BEP nous mènent tout droit à l’usine après un petit tour à l’ANPE.
Pour nous la loi 2 Paquets
est inutile :
Nous critiquons l’Université.
Nous critiquons les étudiants.
Nous critiquons l’école.
Nous critiquons le travail.
L’école nous donne les mauvaises places. L’Université vous donne des places médiocres. Ensemble critiquons-les ! Mais ne nous dites pas : il faudra toujours des balayeurs, des ouvriers
, ou alors allez-y les gars, ces places-là on vous les abandonne de bon cœur, vous gênez-pas !
ON N’EST PAS PLUS BETES QUE VOUS, ON N’IRA PAS A L’USINE
Lire la suite de Les lascars du LEP électronique : Nous critiquons !
Il paraît que nous sommes souverains.
Autrefois, c'étaient les rois qui avaient cette veine, aujourd'hui c'est le peuple.
Seulement, il y a un distingo, qui n'est pas négligeable : les rois vivaient grassement de leur souveraineté, — tandis que nous crevons de la nôtre.
Cette seule différence devrait nous suffire à nous fiche la puce à l'oreille et nous faire comprendre qu'on se fout de notre fiole.
Lire la suite de Emile Pouget : Le muselage universel
Dans la vie des sociétés, il est des époques où la Révolution devient une impérieuse nécessité, où elle s’impose d’une manière absolue. Des idées nouvelles germent de partout, elles cherchent à se faire jour, à trouver une application dans la vie, mais elles se heurtent continuellement à la force d’inertie de ceux qui ont intérêt à maintenir l’ancien régime, elles étouffent dans l’atmosphère suffocante des anciens préjugés et des traditions. Les idées reçues sur la constitution des États, sur les lois de l’équilibre social, sur les relations politiques et économiques des citoyens entre eux, ne tiennent plus devant la critique sévère qui les sape chaque jour, à chaque occasion, dans le salon comme dans le cabaret, dans les ouvrages du philosophe comme dans la conversation quotidienne. Les institutions politiques, économiques et sociales tombent en ruines ; édifice devenu inhabitable, il gêne, il empêche le développement des germes qui se produisent dans ses murs lézardés et naissent autour de lui.
Un besoin de vie nouvelle se fait sentir. Le code de moralité établi, celui qui gouverne la plupart des hommes dans leur vie quotidienne, ne paraît plus suffisant. On s’aperçoit que telle chose, considérée auparavant comme équitable, n’est qu’une criante injustice ; la moralité d’hier est reconnue aujourd’hui comme étant d’une immoralité révoltante. Le conflit entre les idées nouvelles et les vieilles traditions éclate dans toutes les classes de la société, dans tous les milieux, jusque dans le sein de la famille. Le fils entre en lutte avec son père : il trouve révoltant ce que son père trouvait tout naturel durant toute sa vie ; la fille se révolte contre les principes que sa mère lui transmettait comme le fruit d’une longue expérience. La conscience populaire s’insurge chaque jour contre les scandales qui se produisent au sein de la classe des privilégiés et des oisifs, contre les crimes qui se commettent au nom du droit du plus fort ou pour maintenir les privilèges. Ceux qui veulent le triomphe de la justice, ceux qui veulent mettre en pratique les idées nouvelles, sont bien forcés de reconnaître que la réalisation de leurs idées généreuses, humanitaires, régénératrices, ne peut avoir lieu dans la société telle qu’elle est constituée : ils comprennent la nécessité d’une tourmente révolutionnaire qui balaie toute cette moisissure, vivifie de son souffle les cœurs engourdis et apporte à l’humanité le dévouement, l’abnégation, l’héroïsme, sans lesquels une société s’avilit, se dégrade, se décompose.
Aux époques de course effrénée vers l’enrichissement, de spéculations fiévreuses et de crises, de ruine subite de grandes industries et d’épanouissement éphémère d’autres branches de production, de fortunes scandaleuses amassées en quelques années et dissipées de même, on comprend que les institutions économiques présidant à la production et à l’échange sont loin de donner à la société le bien-être qu’elles sont censées lui garantir ; on s’aperçoit qu’elles amènent précisément un résultat contraire. Au lieu de l’ordre, elles engendrent le chaos, au lieu du bien-être, la misère, l’insécurité du lendemain, au lieu de l’harmonie des intérêts, la guerre, une guerre perpétuelle de l’exploiteur contre les producteurs et de ceux-ci entre eux. On voit la société se scinder de plus en plus en deux camps hostiles et se subdiviser en même temps en milliers de petits groupes se faisant une guerre acharnée. Lasse de ces guerres, lasse des misères qu’elles engendrent, la société se lance à la recherche d’une nouvelle organisation : elle demande à grands cris un remaniement complet du régime de la propriété, de la production, de l’échange et de toutes les relations économiques qui en découlent.
La machine gouvernementale, chargée de maintenir l’ordre existant, fonctionne encore ; mais, à chaque tour de ses rouages détraqués, elle se butte et s’arrête. Son fonctionnement devient de plus en plus difficile, et le mécontentement excité par ses défauts va toujours croissant. Chaque jour fait surgir de nouvelles exigences. Réformez ceci, réformez cela !
, crie-t-on de tous côtés. Guerre, finance, impôts, tribunaux, police, tout est à remanier, à réorganiser, à établir sur de nouvelles bases
, disent les réformateurs. Et cependant, tous comprennent qu’il est impossible de refaire, de remanier quoi que ce soit, puisque tout se tient. Tout serait à refaire à la fois ; et comment refaire, lorsque la société est divisée en deux camps ouvertement hostiles ? Satisfaire des mécontents serait en créer de nouveaux.
Incapables de se lancer dans la voie des réformes, puisque ce serait s’engager dans la révolution, en même temps trop impuissants pour se jeter avec franchise dans la réaction, les gouvernements s’appliquent aux demi-mesures, qui ne peuvent satisfaire personne et ne font que susciter de nouveaux mécontentements. Les médiocrités qui se chargent à ces époques transitoires de mener la barque gouvernementale ne songent plus d’ailleurs qu’à une seule chose : s’enrichir, en prévision de la débâcle prochaine. Attaqués de tous côtés, ils se défendent maladroitement, ils louvoient, ils font sottise sur sottise, et ils réussissent bientôt à trancher la dernière corde de salut. Ils noient le prestige gouvernemental dans le ridicule de leur incapacité.
À ces époques, la révolution s’impose. Elle devient une nécessité sociale. La situation est une situation révolutionnaire.
Lire la suite de Kropotkine : L’esprit de révolte